(Québec) Le Québec n'a pas besoin d'élections en pleine crise financière. Si le premier ministre Charest déclenchait une campagne électorale, il tournerait le dos à ses responsabilités de chef de gouvernement.
La chef péquiste Pauline Marois a donné un avant-goût de sa riposte si Jean Charest décidait de lancer l'appel aux urnes. Pour Mme Marois, devant les problèmes économiques à prévoir, le premier ministre doit «tenter de corriger la situation avant de se retrouver en élections». De plus, «dépenser 80 millions n'est peut-être pas la décision la plus pertinente», a relevé Mme Marois, en point de presse hier, faisant allusion au coût des élections.
Pour elle, les Québécois peuvent à bon droit se demander s'il «serait bon pour le Québec de partir en élections... On sort d'une élection et les gens sont inquiets», observe la chef péquiste en marge de la réunion de son caucus destinée à préparer la rentrée parlementaire le 21 octobre.
Derrière des portes closes, le député de Mercier, Daniel Turp, a présenté son projet de «Manifeste pour la souveraineté» qui doit être rendu public à la fin d'octobre. Le document d'une dizaine de pages veut remettre à jour l'argumentaire en faveur de l'indépendance du Québec, mais reste muet sur la démarche pour y accéder, a-t-on appris.
Les problèmes économiques ne sont pas une raison pour mettre de côté la cause souverainiste, a dit Mme Marois. «C'est toujours le moment de parler de souveraineté, elle nous donne plus de moyens, nous permet de prendre nos propres décisions», a-t-elle insisté, certaine que la proposition amènera «un beau moment d'échanges» à la conférence des présidents d'association le 26 octobre. «Ce qu'il y a de fascinant en politique, c'est qu'on peut travailler sur plusieurs tableaux à la fois», a dit la chef péquiste.
À leur arrivée au caucus hier, bien des députés avouaient ne pas souhaiter la tenue d'élections, compte tenu de la «crise économique qui se profile». «Le seul qui semble nier la réalité, c'est M. Charest», a dit Stéphane Bédard, député de Chicoutimi. Lisette Lapointe, députée de Crémazie, souligne que son parti serait prêt. «Ce qu'on veut faire, c'est sortir de la deuxième opposition», a-t-elle laissé tomber. Pour Sylvain Simard, de Richelieu, les électeurs, en particulier les personnes âgées, sont inquiets, l'heure n'est pas aux élections. «Imaginons que la situation se dégrade et qu'il y a des décisions à prendre alors qu'on est en campagne électorale», a-t-il dit. «Ce n'est pas au milieu de la tempête qu'on change le capitaine du navire», résume-t-il.
Pauline Marois aura aujourd'hui une rencontre avec M. Charest, un entretien qui devait porter sur la Constitution à l'origine et qui traitera finalement de la situation économique. «Je suis prête à ce que l'on travaille dans une Assemblée nationale de cohabitation pas toujours facile, a-t-elle souligné. Je suis prête à ce qu'on travaille sur des mesures concrètes qui permettraient d'aider les citoyens à passer à travers les difficultés qui s'annoncent.» Pour elle, les politiciens ont toujours fait «trêve quand l'intérêt du Québec est en cause. On n'a pas changé à ce sujet».
En point de presse, François Legault, critique péquiste aux Finances, a rappelé qu'en 2004, le gouvernement s'était fixé comme objectif d'arriver à ce que le Québec dépasse la moyenne canadienne en termes de croissance du revenu personnel. Or, quatre ans plus tard, le Québec est à ce titre encore dans le peloton de queue. Ses 12% de croissance -le même niveau que l'Ontario- sont loin derrière les 26% de l'Alberta et les 24% de Terre-Neuve. La moyenne canadienne est de 15% d'augmentation.
Un leurre, selon Legault
Pour M. Legault, Jean Charest ne peut prétendre que le programme d'immobilisation de 30 milliards enclenché il y a 18 mois visait à réduire l'impact d'un ralentissement économique. Il s'agissait alors de réparer rapidement les infrastructures routières, après l'effondrement du viaduc à Laval. Pour Pauline Marois, «le gouvernement traîne les pieds, radote depuis un bon moment». Surtout, il n'y a plus de marge de manoeuvre dans les finances publiques, «Jean Charest a mis le Québec dans le rouge. Il n'a plus un sou pour réagir à la crise économique», a lancé Mme Marois. Toutefois, le ralentissement ne pourrait justifier un retour aux déficits budgétaires, l'assainissement des finances publiques a été trop douloureux pour que l'on retourne aux budgets déséquilibrés.
Pour François Legault, Mme Jérôme-Forget a basé ses prévisions de revenu sur une croissance de 1,5% pour 2008-2009. Or, la moyenne des prévisionnistes prévoit que la croissance sera plutôt de 0,75%.
Denis Lessard
La Presse