On pourrait dire que c'est une version américaine de la crise des accommodements raisonnables. Les dirigeants de la secte Summum, en Utah, seraient à tout le moins fondés à qualifier ainsi leur demande.
Cet hiver, la Cour suprême américaine devra trancher un litige épineux. Summum, secte fondée en 1975 qui mélange nouvel âge, judaïsme et cultes égyptiens antiques, a réclamé le droit d'installer dans un parc public une stèle détaillant ses «sept aphorismes». Les monuments religieux sont interdits dans les endroits publics aux États-Unis, mais la ville de Salt Lake City a autorisé en 1971 l'érection d'une stèle où sont inscrits les 10 Commandements. Summum réclame le droit d'installer une stèle de dimension équivalente. La secte soutient qu'elle compte 250 000 membres, qui se réunissent dans une pyramide de métal où, entourés d'animaux empaillés, ils méditent en buvant un «nectar» alcoolisé. Les autorités considèrent cette boisson comme du vin, ce qui fait que Summum est le plus ancien vignoble de l'État.
Le fondateur de la secte, Claude Nowell, mort à 64 ans au début de 2008, avait changé son nom pour «Summum Bonum Annum Ra». Il affirmait avoir reçu les sept aphorismes des mains d'«êtres» plus évolués. Selon lui, les aphorismes étaient inscrits sur la première table des lois qu'avait reçue Moïse, qui l'a brisée dans un accès de colère en constatant que les Hébreux vénéraient le veau d'or. M. Nowell faisait d'étranges parallèles entre les 10 Commandements et ses sept aphorismes. Par exemple, il considérait que «tu n'invoqueras pas le nom de Dieu en vain» était l'équivalent de son troisième aphorisme, «rien ne reste immobile; tout bouge; tout vibre».
Au Canada
Une telle poursuite serait-elle possible au Canada? «Non, absolument pas, estime l'avocat Julius Grey, sommité en matière de droits de la personne. Aux États-Unis, il y a une séparation constitutionnelle de l'État et de la religion. Le problème, c'est qu'il y a eu des accrocs à ce principe qui ont créé des précédents, comme cette stèle des 10 Commandements.
Au Canada, la Constitution dit qu'on ne peut faire de discrimination sur la base de la religion. S'il y a un crucifix dans un établissement public parce que la culture commune est d'origine chrétienne, un groupe minoritaire ne peut réclamer avoir autant d'espace.»Me Grey s'oppose à la disparition du sapin de Noël et, plus généralement, au multiculturalisme. «Le multiculturalisme mène à l'acculturation, à la disparition de la culture commune.
Au Québec, même les juifs et les musulmans vivent dans une culture chrétienne parce qu'ils apprennent le français et lisent Péguy, qui écrit sur la cathédrale de Chartres. Au Liban, les chrétiens vivent dans une culture musulmane et donc lisent le Coran à l'école. L'important, c'est de ne pas confondre culture et religion.»
Mathieu Perreault /La Presse