(Québec) Jean Charest optera pour la continuité en annonçant jeudi matin son Conseil des ministres. Plusieurs titulaires de ministères importants conserveront, pour l'essentiel, leurs fonctions. En revanche, avec plus de régions représentées par les députés assermentés mardi, les libéraux voudront donner plus de visibilité à l'ensemble du territoire.
Plusieurs médias soutenaient que le Conseil des ministres serait annoncé mercredi. En fait, Jean Charest était pris par un tout autre dossier mardi : il rencontrait en privé Lawrence Cannon, le ministre fédéral chargé par Stephen Harper de refaire les ponts entre Québec et Ottawa. Ses coups de fil attendus si fébrilement par l'ensemble des députés ne débuteront que cet après-midi. La construction du Conseil des ministres est toujours une opération délicate, suffit qu'une case pose un problème pour que le premier ministre et ses conseillers soient forcés de refaire le casse-tête.
En soirée, bien des sources sur la colline parlementaire s'entendaient sur le fait que le prochain Conseil des ministres sera de 24 limousines, six de plus que le gouvernement actuel. Aussi, personne ne sera rétrogradé. Jean Charest doit composer avec le fait que les libéraux ont trop d'élus à Montréal, ce qui risque de laisser sur la touche un député comme Geoffrey Kelley, spécialiste des questions autochtones.
Des ministres soulagés
M. Charest est déterminé, a appris La Presse, à maintenir la plupart des gros canons à leur poste actuel - mais ceux qui ont de trop longues cartes d'affaires se verront soulagés de leurs responsabilités secondaires.
Ainsi, Monique Jérôme-Forget restera aux Finances, mais laisserait le Conseil du Trésor. Michelle Courchesne conserve l'Éducation, mais sera délestée de la Famille. Yves Bolduc conservera la Santé, mais pourrait avoir de l'aide dans les dossiers sociaux. Raymond Bachand conserve le Développement économique, mais la responsabilité du Tourisme irait à un nouveau ministre. On nommerait aussi un ministre pour s'occuper spécifiquement des questions autochtones.
D'autres ministres aussi conserveraient leurs responsabilités actuelles selon le plan. Line Beauchamp restera à l'Environnement, même si elle a rêvé des Affaires internationales. Julie Boulet serait maintenue aux Transports, même si certains croient que ce ministère serait mieux servi par un représentant de Montréal. Christine St-Pierre poursuivrait son travail à la Culture, et Yolande James continuerait à l'Immigration.
Nathalie Normandeau ne bougerait pas des Affaires municipales, elle qui, depuis des années, revendique le ministère des Ressources naturelles. Certains poussent le nom de Nathalie Normandeau comme leader parlementaire. Ils vont être déçus, même s'ils plaident qu'une femme à ce poste serait susceptible de changer le ton souvent acrimonieux des débats en Chambre. On ne sait pas où iront Laurent Lessard (Agriculture) David Whissell (Travail) et Sam Hamad (Emploi), mais la tendance lourde penchait pour qu'ils soient aussi maintenus à leurs postes.
Le cas de Jacques Dupuis est plus nébuleux. On dit qu'il préfère la Sécurité publique, mais la Justice est bien plus difficile à combler pour Jean Charest. Autre cas difficile, Claude Béchard, atteint du cancer, souhaitait conserver les mêmes fonctions aux Ressources naturelles - on pense ailleurs que sa charge de travail devrait être allégée.
Une surprise, alors que tout le monde pariait que Monique Gagnon-Tremblay était déterminée à rester aux Affaires internationales, il semble qu'elle ait plutôt jeté son dévolu sur le Trésor, le poste important qu'elle avait brièvement occupé sous Daniel Johnson, en 1994. Or, bien des gens voyaient davantage Pierre Arcand, vedette recrutée en 2007, à ce poste névralgique. Fidèle parmi les fidèles dans l'entourage de Jean Charest, la députée de Saint-François a souvent eu ce qu'elle désirait, sauf une fois alors qu'elle avait cédé, à contrecoeur, le poste de vice-première ministre à Nathalie Normandeau, qui le conservera encore cette fois.
Un autre fidèle inconditionnel, Norm MacMillan, dans l'Outaouais, est en voie de faire son entrée au Conseil des ministres après 20 ans à l'Assemblée nationale. Il doterait sa région d'un représentant au gouvernement après le départ de Benoît Pelletier. M. McMillan était jusqu'ici whip de la formation libérale.
D'autres nominations «régionales» sont aussi incontournables chez les ministres. Serge Simard, nouvel élu libéral dans Dubuc, sera le représentant du Saguenay. Pierre Corbeil, dans Abitibi-Est, reviendra représenter sa région. Issu de la puissante famille beauceronne, Robert Dutil revenu dans Beauce-Sud serait aussi ramené au Conseil, devançant, au fil d'arrivée, Dominique Viens (Bellechasse), qui pourtant a de nombreux partisans dans l'entourage de Jean Charest, et probablement aussi Michel Pigeon.
Un autre que plusieurs voyaient monter, c'est Pierre Moreau, qui risque d'être déçu, disait-on mardi. Certains le voyaient aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ou à la Justice. Mais le gouvernement a déjà «beaucoup d'élus dans la région de Montréal», et pour représenter la Montérégie, M. Charest opterait plutôt pour Nicole Simard, élue dans Laporte depuis 2007.
Une nouvelle élue est assurée d'être ministre : Kathleen Weil, dans Notre-Dame-de-Grâce. Dotée d'un charisme évident, elle est susceptible d'être chargée des «services sociaux», en renfort à Yves Bolduc, ou à la «famille», pour décharger cette fois Michelle Courchesne.
Yvon Vallières, député de Richmond, sera de nouveau suggéré par Jean Charest comme président de l'Assemblée nationale. Hier, à la prestation de serment des députés libéraux, M. Charest a d'ailleurs souligné la longévité du doyen du Parlement, élu la première fois en 1973. Tony Tomassi, député de LaFontaine, deviendrait président du caucus, poste occupé jusqu'ici par M. Vallières.
Denis Lessard / La Presse