(Québec) Le premier ministre Jean Charest a refusé, hier, de répondre à l'appel de l'opposition qui le sommait, dans une ultime tentative, de ne pas déclencher d'élections et de se concentrer plutôt sur l'économie.La chef du Parti québécois, Pauline Marois, et le leader adéquiste, Mario Dumont, ont tenté pendant un débat de deux heures de convaincre les troupes libérales qu'il fallait adopter rapidement des mesures économiques pour prévenir la crise, devant une ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui a répété que le Québec tirait son épingle du jeu.
Le premier ministre et l'ensemble des libéraux ont finalement voté contre la motion proposée par le Parti québécois, qui demandait que «l'Assemblée nationale prenne en considération les effets négatifs de la crise économique et financière sur les familles, les travailleurs, les retraités et les entreprises québécoises, qu'elle demande au premier ministre de renoncer à son intention de tenir des élections générales précipitées cet automne et qu'il travaille à la réalisation (d'un) plan d'urgence».
La motion a tout de même été adoptée, puisque les deux partis de l'opposition forment la majorité en Chambre. Mais elle n'est aucunement contraignante, n'ayant qu'une valeur symbolique. Au moment de l'appel du vote contre la motion, le premier ministre s'est levé dans un mouvement ostentatoire, fixant ses adversaires dans les yeux, sans équivoque sur ses intentions de déclencher prochainement des élections.
Ses ministres, dont Mme Jérôme-Forget, ont répété toute la journée que le gouvernement avait besoin d'un mandat fort, voire majoritaire, pour diriger le Québec.«On comprend enfin les vraies raisons du premier ministre pour déclencher les élections: tout ce qui l'intéresse, c'est de faire à sa tête, être majoritaire et, comme il l'a fait durant son premier mandat, ne pas tenir compte des besoins de la population», a accusé Mme Marois.M. Dumont a pour sa part reproché au premier ministre d'avoir annulé sa participation à l'importante mission économique qui se déroulera en Chine la semaine prochaine.
«Le milieu des affaires s'inquiète, se dit déçu de voir qu'une mission qui était planifiée depuis longtemps en Chine, une mission qui a un caractère strictement économique, le premier ministre n'en fera plus partie», a souligné le chef de l'ADQ.Plus tôt, M. Dumont avait lancé un cri du coeur à Jean Charest: «Ayez un moment de raison, mettez de côté votre agenda électoral, mettez de côté votre agenda partisan, remettez-vous au travail, reprenez vos billets d'avion pour la Chine, préparez-vous pour la conférence des premiers ministres, soumettez à cette Assemblée des plans, des mesures qui vont relancer l'économie du Québec.»
Par ailleurs, la chef du Parti québécois a rejeté, en matinée, l'idée de former un gouvernement de coalition avec l'ADQ pour remplacer le gouvernement libéral, mais sans déclencher des élections, comme il est théoriquement possible de le faire dans le système parlementaire britannique.«Ce n'est pas dans nos traditions.
Et je vous dirais qu'à sa face même, ce n'est pas une proposition, moi, qui me plaît beaucoup, a souligné Mme Marois, jugeant que les positions divergentes entre les deux partis seraient inconciliables. Je crois qu'on peut arriver au même résultat en travaillant de concert avec le gouvernement comme opposition.»
L'idée avait été soulevée par deux avocats, dont un ancien candidat péquiste, dans une lettre ouverte publiée notamment sur Cyberpresse.
Malorie Beauchemin
La Presse