Le colonel Théoneste Bagosora, présenté comme le «cerveau» du génocide rwandais de 1994, a été condamné jeudi à la prison à vie par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) siégeant à Arusha (Tanzanie).
Deux autres anciens officiers de l'armée rwandaise ont été condamnés à la même peine, également pour «génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre».
«La chambre a condamné Bagosora, (Aloys) Ntabakuze, (Anatole) Nsengiyumva à la prison à vie», a déclaré le président norvégien de la chambre, Erik Mose.
«Bagosora a décidé de faire appel. C'est la déception», a déclaré à la presse peu après le verdict son avocat, Me Raphaël Constant.
Le tribunal a en revanche acquitté le quatrième accusé de ce procès, le brigadier général Gratien Kabiligi, et a «ordonné sa remise en liberté immédiate».
Le colonel Bagosora, un Hutu de 67 ans et ex-directeur de cabinet au ministère de la Défense à l'époque du génocide, a été présenté par le parquet tout au long du procès comme le «cerveau» des massacres qui ont fait, selon l'ONU, environ 800.000 morts, parmi la minorité tutsi et les Hutu modérés.
Dans ses attendus, la chambre a conclu à la responsabilité de M. Bagosora dans l'assassinat du Premier ministre de l'époque, Agathe Uwilingiyimana, des dix casques bleus belges qui étaient chargé de la protéger, de plusieurs dirigeants politiques et de massacres de Tutsi à des barrages routiers dans la ville de Kigali et dans sa région d'origine de Gisenyi (nord).
Mme Uwilingiyimana, perçue comme une modérée par la frange extrémiste du régime hutu, avait été assassinée par des éléments de l'armée rwandaise le 7 avril 1994.
Pour le procureur en chef du tribunal, Hassan Bubacar Jallow, l'assassinat des dix Casques bleus belges visait à provoquer le retrait de la force de l'ONU afin de laisser le champ libre à la machine à tuer.
Le 13 avril, la Belgique, dont le contingent était le mieux équipé et le plus efficace de la Mission des Nations unies au Rwanda (Minuar), annonçait au Conseil de sécurité sa décision de retirer ses troupes.
La chambre n'a toutefois pas retenue à l'encontre des trois condamnés la qualification d'«entente en vue de commettre un génocide».
Jusqu'à ce jour, aucun accusé du TPIR n'a été reconnu coupable de ce crime, pourtant plaidé dans presque toutes les affaires.
«Je constate quand même que le chef d'entente en vue de commettre le génocide n'a pas été retenu. C'est ce qui est important. Le fait de ne pas retenir l'entente, c'est une remise en cause de toute l'historiographie du Rwanda», a ajouté Me Constant.
Selon l'accusation, le colonel avait annoncé en 1993, en claquant la porte des négociations avec la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR, aujourd'hui au pouvoir à Kigali), qu'il retournait dans son pays pour «préparer l'apocalypse», c'est-à-dire le génocide.
M. Bagosora, qui clame son innocence, a toujours refusé de qualifier de génocide les événements de 1994 et nie avoir jamais prononcé ces paroles.
Aloys Ntabakuze et Anatole Nsengiyumva ont été pour leur part condamnés pour avoir dirigé des unités de l'armée rwandaise coupables de massacres pendant le génocide
Agence France-Presse /Arusha