(Ottawa) Après quelques journées de flottement et de spéculations, les clans de Bob Rae et de Michael Ignatieff se sont finalement entendus. En entrevue dimanche au réseau CTV, les deux rivaux dans la course au leadership libéral se sont dits favorables à l'élection d'un chef permanent au parti avant la fin du mois de janvier.
«Il y a un sentiment qui émerge dans le caucus libéral qu'étant donné l'importance du vote à la fin du mois de janvier, il serait approprié d'avoir un leader permanent en place. Et je pense qu'il est raisonnable de dire que le caucus examine à l'heure actuelle ses options pour accélérer notre processus de leadership», a déclaré Michael Ignatieff à l'émission Question Period.
Le leadership de Stéphane Dion est sérieusement remis en question depuis l'échec de la coalition formée des libéraux et des néo-démocrates à renverser le gouvernement Harper. L'enregistrement vidéo raté dans lequel on a pu voir un M. Dion hors foyer et mal cadré a été largement pointé du doigt comme étant la goutte qui a fait déborder le vase et scellé son sort.
Or, le gouvernement Harper doit présenter le budget fédéral le 27 janvier, soit le lendemain du retour des députés au Parlement après que la gouverneure générale, Michaëlle Jean, ait consenti jeudi à la prorogation demandée par le premier ministre. À la lumière des événements des derniers jours, une majorité de libéraux estiment qu'il est impératif d'avoir un leader permanent à la tête du parti, advenant le besoin de provoquer des élections générales.
Rae veut devancer la course
Bob Rae a lui aussi admis que d'avoir un chef permanent avant le dépôt du budget fédéral était impératif. Mais le député ontarien a insisté sur l'importance de créer une structure qui permettrait aux membres du parti de se prononcer, plutôt que de remettre la responsabilité de cette décision aux seuls députés du caucus.
«Nous devons devancer la course au leadership et nous devons nous assurer que nous avons une vaste consultation au sein du parti avant la fin du mois de janvier», a-t-il déclaré en entrevue, immédiatement après celle de Michael Ignatieff.
Il s'est dit contre l'idée qu'un nouveau chef permanent soit choisi dès mercredi prochain, lorsque les députés se réuniront en caucus à Ottawa. Sous le couvert de l'anonymat, de plus en plus de libéraux confient que Stéphane Dion pourrait démissionner de son poste d'ici là, forçant ainsi ses collègues à lui trouver un remplaçant sur le champ. Or, Michael Ignatieff a jouit de la majorité des appuis au sein du caucus.
«Ce serait une erreur. Ce ne serait pas sage d'agir de la sorte. Je pense qu'il y aurait une énorme réaction au sein du parti», a mis en garde l'ancien premier ministre ontarien.
«Nous ne nommons pas les chefs. Nous les élisons.»
Il a souligné qu'il existait diverses possibilités et qu'il revenait au parti d'en proposer les termes. Il a entre autres mentionné la tenue de débats télévisés, suivis d'un vote auprès de l'ensemble des membres du parti vers la mi-janvier.
Et si M. Dion démissionne d'ici mercredi, a-t-il dit, «il est évidemment possible d'avoir quelqu'un en charge pour quelques semaines, pendant que le parti décide qui sera le chef».
Tempête au sein du parti
La question du leadership est l'une des conséquences des événements des dernières semaines au Parti libéral. L'échec de la coalition à renverser Stephen Harper et le fameux enregistrement raté ont aussi fait éclater une véritable guerre interne entre les proches collaborateurs de Stéphane Dion et des employés du parti.
En effet, ces employés sont frustrés de la manière dont l'entourage du chef a géré la situation le soir de l'adresse à la nation, mercredi dernier. Ils reprochent entre autres aux stratèges Kathie Telford et Andrew Bevan, et à la chef de cabinet Johanne Sénécal, ainsi qu'à Stéphane Dion lui-même, d'avoir pris trop de temps à rédiger le discours, d'avoir tenu l'équipe de communications à l'écart et d'avoir par la suite laissé le vidéographe Mick Gzowski être publiquement blâmé et ridiculisé pour le fiasco.
C'est du moins ce qu'on peut lire dans quelques articles publiés depuis jeudi dans des quotidiens anglophones.
Un courriel anonyme envoyé à des employés libéraux et obtenu par La Presse appelle à la démission de Stéphane Dion et de Johanne Sénécal.
«Amis libéraux, peut-on lire, Dion et Sénécal ne peuvent s'en tirer en faisant de leurs employés des boucs émissaires. Leur échec à accepter leur responsabilité montre qu'ils ne sont pas faits pour ces postes. Tous deux doivent partir.»
Hugo De Grandpré /La Presse