Le gouvernement britannique a dévoilé mercredi un plan visant à «désigner et couvrir de honte» les clients des prostituées, et à rendre illégal le fait de payer pour avoir des relations sexuelles avec des femmes qui se prostituent sous la contrainte. Des associations contestent toutefois ces mesures, jugeant qu'elles risquent d'aggraver la situation dans laquelle se trouvent les prostituées.
Les clients qui payent pour avoir des relations sexuelles avec une prostituée «contrôlée pour le profit d'une autre personne» pourraient être poursuivies et se voir imposer des amendes de 1.000 livres (1.187 euros), selon le ministère de l'Intérieur.
Ils seraient tenus pour responsables même s'ils ignorent que la prostituée travaille pour un souteneur.
«Ce que je désapprouve, ce sont les femmes exploitées dans ce pays (...) traitées comme des esclaves», a déclaré mercredi à la BBC la ministre de l'Intérieur Jacqui Smith.
Le gouvernement prévoit aussi d'astreindre les club de danse-contact (lap-dance) à répondre aux mêmes obligations pour l'obtention de leur licence que les sex shops et les cinémas pornographiques. Ce type de club est soumis à la même réglementation que les bars.
Selon Mme Smith, ces mesures -qui devront être approuvées par les parlementaires- visent à faire baisser la demande de prostitution et à réduire le trafic des êtres humains.
Certaines associations craignent toutefois que les mesures annoncées ne soient pas bonnes pour les prostituées. «C'est une croisade morale très dangereuse», a souligné Cari Mitchell, porte-parole du Collectif anglais des prostituées. «Les conséquences que cela va avoir, c'est de rendre le commerce du sexe encore plus souterrain, et de criminaliser les clients qui, pour la plupart, ne posent pas de problèmes aux femmes. Ce plan n'apporte rien aux femmes.»
Le commerce du sexe est déjà lourdement encadré en Grande-Bretagne, contrairement à ce qui se passe chez certains de ses voisins européens où la prostitution et le fait de solliciter des services sexuels sont tolérés sous certaines formes.
Le premier ministre britannique Gordon Brown, fils de pasteur, a déjà soutenu une série de taxes sur l'alcool et les cigarettes, appelé à des lois plus dures en matière de drogue, et fait échouer des projets visant à créer le premier casino de style Las Vegas du pays.
Le ministère de l'Intérieur a expliqué que son plan permettrait de «désigner et couvrir de honte» les hommes qui font appel à des prostituées dans les rues, comme c'est déjà le cas dans le quartier de Lambeth, à Londres, où la police envoie des lettres d'avertissement au domicile des automobilistes dont les plaques d'immatriculation sont repérées par les caméras de surveillance lorsqu'ils font entrer des prostituées dans leur voiture.
Selon les lois actuelles, en Angleterre et au pays de Galles, le racolage et la prostitution sont illégales dans les rues ou dans les lieux publics. Tenir une maison close est interdit, mais le fait pour une personne seule de se prostituer dans un appartement ne l'est pas. De la même manière, payer pour des services sexuels est illégal. Mais le fait de solliciter des prostituées a été largement toléré.
En Grande-Bretagne, l'affaire du meurtrier qui a tué cinq prostituées à Ipswich, à environ 110km au nord-est de Londres, a fait les gros titres de journaux en 2006. Plus récemment, des opérations de police dans des maisons closes où des femmes d'Europe de l'Est, d'Asie et d'Afrique étaient forcées de vendre leur corps ont eu un grand retentissement.
Les villes écossaises, comme Edimbourg, avaient auparavant des «zones de tolérance» où les prostituées étaient autorisées à travailler librement. Mais quand ces zones ont été fermées dans plusieurs villes il y a quelques années, et que le fait de solliciter des prostituées dans la rue est devenu illégal, le nombre d'agressions à leur encontre a augmenté, parce qu'elles étaient obligées de travailler dans des zones plus isolées, selon le Scottish Prostitutes Education Project, qui représente les travailleurs de l'industrie du sexe.
En Nouvelle-Zélande, où la prostitution a au contraire été dépénalisée en 2003, les prostituées affirment que cette mesure a donné aux femmes une plus grande protection juridique
Paisley Dodds /Associated Press /Londres