La Cour suprême des Etats-Unis a autorisé mercredi la Marine américaine à poursuivre ses entraînements au large de la Californie (ouest) et à utiliser un sonar dont la fréquence peut perturber baleines et dauphins, au nom de l'intérêt national.
Dans une décision partagée entre les neufs sages, la plus haute juridiction du pays a donné raison à l'armée, qui jugeait que les intérêts de la défense nationale devaient primer sur les exigences environnementales.
«Nous n'écartons pas l'importance des intérêts écologiques, scientifiques et récréatifs des mammifères marins, défendus par les plaignants», explique la Cour dans sa décision rédigée par son président, John Roberts.
«Mais la nécessité pour la Marine de s'entraîner dans les conditions du réel pour s'assurer qu'elle est capable de neutraliser la menace posée par des sous-marins ennemis l'emporte clairement», poursuit-elle.
A l'origine de l'affaire, le constat effectué par des associations environnementales, et partagé par de nombreux scientifiques, que certaines fréquences de sonar provoquent la surdité temporaire des mammifères marins, les désorientant voire les amenant à s'échouer sur la côte et à mourir.
Or, dans une série d'entraînements menés depuis février 2007 au large de la Californie, la Navy utilise un sonar à moyenne fréquence afin de détecter des sous-marins potentiellement ennemis.
Le président Bush en personne est intervenu dans ce dossier, signant un ordre d'exemption au profit des militaires au motif que ces entraînements relèvent de l'intérêt national et qu'une situation d'«urgence» lui permet de passer au dessus d'une décision judiciaire en matière d'environnement.
Lors de l'audience début octobre, l'avocat du gouvernement, Gregory Carre, avait cependant reconnu qu'une étude préliminaire de la Navy avait montré que ce sonar pouvait perturber 170.000 mammifères marin, provoquer la «surdité temporaire» de 8.000 baleines et des blessures irréversibles pour environ 430 d'entre elles.
Saisi par le Conseil de défense des ressources naturelles (NRDC), un tribunal fédéral californien qui avait conclu en août 2007 que l'utilisation de ce sonar représentait, avec «quasi certitude», un «danger irréversible» pour l'environnement, avait délivré en janvier 2008 une «injonction» ordonnant aux militaires de tenir compte de ce danger.
Dans sa décision mercredi, la Cour suprême estime que ce tribunal a «outrepassé son pouvoir discrétionnaire» en ordonnant aux militaires de réduire le niveau de fréquence du-dit sonar et de l'éteindre complètement lorsqu'ils détectent un mammifère marin dans un périmètre de 2 km.
Les deux juges de la minorité insistent de leur côté sur la question sous-jacente à cette affaire: la séparation des pouvoirs.
Ruth Ginsburg rappelle en effet que, au départ, la Marine américaine n'a pas respecté la loi. Elle était en effet, selon la loi américaine sur le respect de l'environnement, censée fournir un rapport complet des risques écologiques que ses entraînements pouvaient créer et ceci avant de commencer à utiliser le sonar. Or la Marine s'est contentée d'un rapport préliminaire.
«Il n'y a aucun doute que les entraînements (de la Navy, ndlr) servent des intérêts cruciaux mais ces intérêts n'autorisent pas la Navy à violer un ordre légal», assure la juge.
Interrogée par l'AFP, la Marine américaine ne souhaitait pas commenter dans l'immédiat la décision de la Cour suprême tandis que le NRDC devait se prononcer plus tard dans la journée.
Agence France-Presse /Washington