Acte crapuleux ou politique, la disparition inexpliquée au Niger de deux diplomates canadiens, dont l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Niger, Robert Fowler, provoquait mardi l'embarras des autorités nigériennes et un vif émoi à Ottawa.
Mardi matin, plus de 24 heures après la disparition, un groupe rebelle touareg, le Front des forces de redressement (FFR), a affirmé sur son site internet avoir enlevé Robert Fowler avant que son chef ne démente auprès de l'AFP.
Dans un message signé par le «commissaire à la guerre» Rhissa Ag Boula, une figure historique de la rébellion des années 1990 et signataire des accords de 1995 qui y avaient mis fin, le FFR a affirmé que M. Fowler «se porte bien et sera bientôt transféré dans un lieu sûr, et remis à d'autres collaborateurs qui le prendront en charge».
«Le FFR dément formellement être impliqué», a cependant affirmé peu après au téléphone Mohamed Awtchiki Kriska, autre figure de la révolte touareg des années 1990.
«Nous ne sommes pas au courant. La personne qui a mis cette information sur notre site internet a été induite en erreur. Ce type d'action est contraire à la vision et l'approche du FFR», a-t-il déclaré.
Aucune source indépendante ou officielle nigérienne n'était en mesure de confirmer qu'il s'agit d'un enlèvement. M. Fowler a disparu dimanche en début de soirée, en compagnie d'un autre diplomate canadien, Louis Guay, et on a retrouvé leur voiture à l'ouest de Niamey avec trois téléphones, un appareil photo et un blouson.
«Cette situation me préoccupe beaucoup et je tiens à assurer aux familles et aux amis des diplomates canadiens disparus, et à tous les Canadiens, que nous ferons tout ce que nous pouvons pour bien régler la situation», a déclaré le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon.
Le porte-parole du gouvernement nigérien et ministre de la Communication, Mohamed Ben Omar, a indiqué à l'AFP que les recherches en cours n'avaient pour l'instant rien donné.
«Le système des Nations unies est extrêmement préoccupé par cette situation», a déclaré mardi dans un communiqué la représentante de l'ONU à Niamey, Kardjata Lo N'Diaye
Le principal mouvement rebelle touareg, le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), a «appris avec stupéfaction et consternation l'enlèvement et la séquestration» des disparus et «mettra tout en oeuvre pour démasquer ou aider à démasquer les auteurs ainsi que leurs commanditaires», selon un commentaire diffusé sur son site internet.
Le MNJ et le FFR sont en contact au sujet de cette disparition qui visiblement embarrasse les autorités de Niamey à deux jours de la célébration du 50e anniversaire de la République.
Théâtre de combats sporadiques depuis près de deux ans entre l'armée et les rebelles du MNJ, présentés par les autorités comme des «trafiquants de drogue» et des «bandits», le nord du pays est interdit à la presse.
Mais Robert Fowler a disparu à 40 km à l'ouest de Niamey en compagnie de Louis Guay, donc très loin de la zone en question.
Apparu fin mai 2008, le FFR est né d'une scission au sein du MNJ, qui lui-même avait commencé à faire parler de lui début 2007 dans le nord du Niger.
A la différence du MNJ, qui a mené de nombreuses actions armées contre des positions des militaires nigériens dans le nord, le FFR ne s'est jusqu'à présent pratiquement pas manifesté sur le terrain.
En janvier dernier, le «commissaire à la guerre» du FFR, avait annoncé le lancement d'une «bataille de l'uranium», minerai dont le Niger est le troisième producteur mondial.
Traditionnellement, les mouvements touareg réclament pour les populations locales de plus grandes retombées en argent et en emplois de cette manne et accusent les autorités de les marginaliser.
Agence France-Presse /Montréal