Oubliez les 2x4 qui contribuent à la déforestation. Dans un geste salué par les écologistes, Rona a annoncé hier une nouvelle politique d'approvisionnement en bois qui fixe d'ambitieux objectifs écologiques.
Le plus grand quincaillier au pays s'engage à s'approvisionner uniquement auprès de fournisseurs qui peuvent démontrer que leur bois provient d'une source «légale et durable qui ne contribue pas à la déforestation».
Un coup de marketing? Absolument pas, dit le militant écologiste bien connu et porte-parole d'Équiterre, Steven Guilbault. «Cette initiative va faire école, tranche M. Guilbault. Ce n'est pas de la frime, ce n'est pas pour la galerie, ce n'est pas pour les kodaks. C'est du sérieux.»
Rona a planché 15 mois sur sa politique, tentant de faire le ménage parmi les nombreuses normes environnementales existantes. «On a travaillé avec des scientifiques, avec des membres de l'industrie et avec certains groupes de pression. On a aussi examiné les attentes des consommateurs», explique Robert Dutton, président et chef de la direction de Rona.
Des engagements
Rona s'engage à ce que l'ensemble du bois d'oeuvre et des produits de contreplaqué vendus en magasin provienne de forêts certifiées d'ici la fin de l'année 2010. D'ici 2012, le quart du bois d'oeuvre offert sera aussi certifié selon les normes FSC (de l'organisation Forest Stewardship Council), souvent considérées comme la plus contraignante - en plus des critères écologiques, la certification se penche aussi sur le respect du droit des Autochtones par les compagnies forestières.
Rona s'engage aussi à produire des rapports «transparents» sur les progrès réalisés dans l'application de ses politiques et à favoriser l'étiquetage du bois selon les différentes certifications.
«Nous saluons l'engagement de Rona qui vient d'accoucher d'une politique très exigeante, peut-être la plus exigeante en Amérique du Nord», a dit Mélissa Fillion, responsable de la campagne forêt boréale chez Greenpeace.
Les pesticides
Selon Steven Guilbault, la politique sur le bois s'ajoute à une série d'actions prises par Rona au cours de la dernière année et demie, notamment l'adoption de règles sur les pesticides et le lancement de la marque ECO, qui retrace l'empreinte écologique des produits grâce à une collaboration avec des chercheurs de l'École Polytechnique de Montréal. «Cette compagnie est vraiment en train de transformer la façon de faire des affaires en tenant compte de l'environnement et de l'écologie», dit-il.
En août 2007, Greenpeace avait publié un rapport sur la forêt boréale où elle pointait Rona du doigt, lui reprochant d'acheter des produits du bois d'Abitibi-Consolidated, de Bowater et de Kruger, «trois entreprises directement associées à la destruction de la forêt boréale et à l'exploitation des dernières forêts du Québec et de l'Ontario.»
Des collaborateurs de Robert Dutton confient que le rapport avait beaucoup affecté le président, qui, à l'époque, avait déjà engagé son entreprise sur le virage vert. Aujourd'hui, il dit vouloir mettre de la pression sur les fournisseurs de bois.
«On pense qu'en étant le leader au Canada, on va encourager les manufacturiers à s'intéresser à la norme FSC. On pense que notre volume va parler», dit M. Dutton.
«Les détaillants sont les yeux et les oreilles des manufacturiers, et aujourd'hui on leur passe le message qu'eux aussi doivent être attentifs aux préoccupations des consommateurs québécois et canadiens», continue M. Dutton.
La norme FSC
Soulignons que plusieurs entreprises forestières dont Tembec, Domtar, Cascades, Chantier Chibougamau et Kruger se sont engagées depuis le rapport de Greenpeace à adopter la norme FSC. Abitibi-Consolidated l'a aussi fait, mais seulement sur une de ses 23 unités de coupe au Québec, ce qui avait soulevé la méfiance de Greenpeace.
Quel sera le coût des mesures annoncées hier par Rona? La question fait bondir le président, Robert Dutton. «On est encore pris avec le message qu'être écologique, ça veut dire payer plus cher. Ce n'est pas vrai! On va avoir du bois FSC, et les produits vont être compétitifs, avec des prix abordables», martèle-t-il.
Notons que Rona s'est aussi engagé hier à stopper complètement la vente de pesticides synthétiques destinés à l'usage cosmétique d'ici le 1er juillet 2009.
L'action de Rona a gagné 3 cents ou 0,28% hier à la Bourse de Toronto pour clôturer à 10,69$.
La Presse /Philippe Mercure