«On est passé de la Révolution tranquille à la régression tranquille.»
Telle est l'une des observations recueillies par les chercheurs Frédéric Deschenaux et Nathalie Dyke, qui ont livré hier les fruits de leur étude toute fraîche sur les professeurs d'université.
Ce qui ressort de cette enquête menée auprès de 1328 professeurs des quatre coins du Québec? Un professeur sur deux (49%) a déjà sérieusement songé à quitter son emploi. Plus d'un professeur sur trois (36,2%) est insatisfait de la vie intellectuelle de son institution. Un professeur sur quatre (25,5%) a déjà eu un problème de santé d'ordre psychologique lié à son travail.
Ce qui est aussi très fortement ressorti, a dit hier la chercheuse Nathalie Dyke, «c'est ce schisme entre les administrateurs (universitaires) et les professeurs». Les professeurs de l'UQAM ont notamment dit à la presque unanimité avoir été en désaccord avec des décisions administratives importantes prises en haut lieu.
Si les relations avec les étudiants sont perçues comme étant très satisfaisantes (à 97% des répondants), les professeurs ont cependant fait certains commentaires peu élogieux à leur égard.
«Certains n'y vont pas de main morte, peut-on lire dans l'étude: les étudiants seraient des illettrés, manqueraient de respect à l'égard des professeurs et ne seraient plus soucieux de faire les efforts nécessaires pour bien travailler. Le plagiat a aussi été dénoncé.»
Au surplus, «certains ont mentionné que l'accessibilité aux études avait contribué à réduire le niveau global de connaissances des étudiants à l'entrée à l'université et à faire baisser les normes d'excellence. D'autres sont allés jusqu'à affirmer que certains étudiants ne devraient pas se retrouver à l'université tant leur niveau de connaissances générales est faible».
«L'anti-intellectualisme des étudiants qui s'attendent à avoir des notes élevées sans fournir les efforts nécessaires a été mentionné. (...) Il semblerait également que le clientélisme ait commencé à être intériorisé chez certains étudiants qui perçoivent leurs professeurs comme des fournisseurs de services.»
Enseigner, ce n'est pas ce que les professeurs préfèrent: 52,3% des professeurs ont dit qu'ils aimaient la recherche et l'enseignement, mais qu'ils penchaient plus vers la recherche, alors que 11,7% ont carrément dit qu'ils aimaient surtout la recherche.
Malgré cela, et même si la conciliation travail-famille est difficile au point d'avoir découragé 10% des répondantes d'avoir un enfant après leur entrée en poste, les professeurs se sont quand même dits satisfaits de leur travail. Les chercheurs n'ont pas caché leur étonnement face à ce taux de satisfaction élevé de 77,2% exprimé par les professeurs. «J'imagine que c'est comme en amour: on peut être satisfait, mais avoir beaucoup de reproches à faire!» a lancé Mme Dyke.
L'étude, intitulée «Enquête sur le corps professoral québécois: Faits saillants et questions», a été rendue publique dans le cadre du colloque de la Fédération québécoise des professeurs d'université dont le thème est «Faut-il reconstruire l'université?»
À cette question, le chercheur Antoon De Baets, de l'Université de Groningen, aux Pays-Bas, est intervenu au micro pour rappeler que tout cela évoque l'étiquette de «McUniversités» déjà largement accolée à ces institutions.
Louise Leduc /La Presse