Le poids du Québec à la Chambre des communes pourrait diminuer énormément au cours des prochains mois en raison d'un accord entre le gouvernement fédéral de Stephen Harper et celui de l'Ontario qui suscite déjà bien des réactions au Québec.
En vertu de l'entente dont la teneur a été dévoilée mercredi par le premier ministre ontarien Dalton McGuinty, la carte électorale de la province la plus populeuse du pays serait bientôt redivisée pour créer plusieurs nouvelles circonscriptions. Le chiffre de 21 nouveaux comtés a été évoqué par certains. Si la nouvelle se confirme, le nombre de députés de la province passerait de 108 à 127, ce qui correspondrait à un élu pour 105 000 personnes, comparativement à un pour 126 000 actuellement.
D'après M. McGuinty, cette proportion est comparable à celle qui prévaut au Québec. Et il faut s'attendre à ce qu'elle soit appliquée sous peu aux provinces de l'Ouest qui ont connu une importante croissance démographique au cours des dernières années.
Le gouvernement Harper, qui a fait de la réforme démocratique l'un de ses chevaux de bataille, a en effet déposé au printemps 2007 un projet de loi qui aurait fait passer le nombre de députés de la Chambre de 308 à 330, d'ici 2014.
Ce texte est mort au feuilleton, mais l'idée a refait surface dans le discours du Trône de novembre dernier. L'attaché de presse du premier ministre, Dimitri Soudas, a confirmé mercredi que l'idée était toujours dans les cartons.
«Nous déposerons à la Chambre des communes un projet de loi qui rapprochera l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta du principe de la représentation selon la population», a-t-il indiqué dans un courriel laconique.
M. Soudas a toutefois refusé de confirmer le nombre de sièges en jeu.
Une chose est claire: le Québec n'obtiendrait aucun nouveau siège et devrait se contenter de ses 75 députés actuels. Son importance relative à la Chambre des communes serait donc moindre.
Le lieutenant de M. Harper au Québec, Christian Paradis, a néanmoins fait valoir que la Belle Province conserverait «ses acquis». «Au moins notre minimum de 75 sièges est garanti. C'est ça qui est le gros point», a-t-il souligné en entrevue à La Presse Canadienne.
Cet argument est loin de convaincre le Bloc québécois qui a décrié mercredi le changement négocié en catimini par MM. Harper et McGuinty, lors d'une réunion officiellement consacrée au plan de sauvetage de l'industrie automobile.
«Que ce soit 21 ou 10 nouveaux sièges, nous on a exactement la même position: on est totalement en désaccord avec l'idée de réduire le poids politique du Québec à la Chambre des communes», a insisté le leader parlementaire de la formation, Pierre Paquette.
Le député de Joliette a souligné que l'Assemblée nationale s'était prononcée à l'unanimité contre le principe de la représentation proportionnelle à plusieurs reprises.
«Ca serait encore une preuve supplémentaire que non seulement la reconnaissance de la nation québécoise c'était tout à fait virtuel, mais qu'en plus de ça, M. Harper et les conservateurs ont mis une croix sur le Québec définitivement», a-t-il ajouté.
Selon lui, les modifications envisagées équivaudraient à «une provocation de guerre». À son avis, le poids proportionnel de la province aux Communes devrait être d'environ 25 pour cent, comme c'est le cas actuellement.
Le bureau du premier ministre du Québec, Jean Charest, n'a pas émis de commentaires mercredi. Le premier ministre, qui a été réélu pour la troisième fois le 8 décembre, s'était toutefois publiquement opposé à l'idée au printemps 2007.
À cette époque, la question du nombre de sièges avait dégénéré en guerre de mots amers entre Ottawa et Queen's Park, le conservateur Peter Van Loan qualifiant M. McGuinty de «petit homme de la Confédération».
M. McGuinty affirme que Stephen Harper a finalement compris que les arguments de l'Ontario étaient valables.
Karine Fortin /La Presse Canadienne /Ottawa