A quelques heures d'un sommet européen à Bruxelles, la police belge a interpellé jeudi 14 membres présumés du réseau terroriste Al-Qaeda, y compris un homme qui semblait sur le point de commettre un attentat-suicide.
«Nous ne savons pas où cet attentat-suicide était envisagé. Il pourrait s'agir d'une opération au Pakistan ou en Afghanistan, mais il ne pouvait être totalement exclu que la Belgique ou l'Europe puissent avoir été une cible», a déclaré lors d'une conférence de presse le procureur fédéral belge Johan Delmulle.Selon des informations très récentes parvenues aux enquêteurs, a-t-il expliqué, le suspect avait «reçu le feu vert pour exécuter une opération dont il estimait qu'il ne reviendrait pas» et «avait dit adieu à ses proches, parce qu'il voulait aller au paradis avec la conscience tranquille».
Les enquêteurs ont également eu vent d'une cassette vidéo d'adieu et de la «mise à l'abri» de femmes et d'enfants de l'entourage, comme c'est déjà arrivé à la veille d'attentats.
«Ces informations, liées au fait que le sommet européen se déroule en ce moment à Bruxelles (en fait le sommet devait ouvrir à 15h00 locales, 10h00 HNE) ne laissait évidemment pas d'autres choix que d'intervenir aujourd'hui», a ajouté M. Delmulle.
Le chef de la police judiciaire, Glen Audenaert, a précisé que 242 policiers avaient pris part à 16 perquisitions à Bruxelles et à une à Liège (est).
Les 14 personnes privées de liberté, des hommes et des femmes, devaient être présentées dans la journée aux juges d'instructions antiterroristes Daniel Fransen et Berta Bernardo-Mendez.
L'enquête, décrite comme «la plus importante» sur le terrorisme en Belgique, est liée à un groupe d'islamistes belges ayant suivi des entraînements ou participé à des combats dans la zone Afghanistan-Pakistan, en liaison avec des «personnes importantes» d'Al-Qaeda, selon le parquet fédéral.
Depuis fin 2007, quatre Belges ont, avec des ressortissants d'autres pays, rejoint au Pakistan et en Afghanistan un homme faisant office d'agent de liaison, identifié comme «M. G.».
Deux de ces hommes étaient revenus en Belgique il y a quelques mois et placés sous surveillance. Le troisième, qui est celui suspecté d'être volontaire pour un attentat suicide, n'était rentré que le 4 décembre.
Tous les trois font partie des personnes interpellées jeudi, les autres étant suspectées de leur avoir «apporté un soutien logistique et matériel».
L'enquête avait démarré fin 2007 à la suite d'informations relatives à un projet d'évasion à l'aide d'explosifs et d'armes fomenté par le Tunisien Nizar Trabelsi, condamné en Belgique à 10 ans de prison pour avoir préparé en septembre 2001, pour le compte d'Al-Qaeda, un attentat au camion piégé contre une base militaire belge hébergeant des soldats américains.
Ces informations s'étaient soldées par des perquisitions, le 21 décembres 2007, qui, selon M. Delmulle, ont «probablement permis d'éviter la mise à exécution d'un projet d'attentat à Bruxelles» à la fin de l'an dernier.
A l'époque, les enquêteurs étaient restés très discrets sur cette opération, à l'origine d'une hausse du niveau d'alerte en Belgique durant les fêtes de fin d'année.
Une femme interpellée jeudi, Malika El Aroud, joue un «rôle important» dans l'enquête sur Nizar Trabelsi et sur celle concernant le groupe s'étant rendu en Afghanistan et au Pakistan, a précisé M. Delmulle.
Son premier mari était mort en assassinant en Afghanistan le chef de la lutte contre les talibans, le commandant Massoud, en 2001, tandis que son second mari est une figure centrale du groupe démantelé jeudi, a-t-il précisé.
Philippe Siuberski /Agence France-Presse / Bruxelles