C'est de justesse que Jean Charest a gagné son pari. Le Parti libéral l'a emporté hier et a décroché, à l'arraché, le mandat iable; mso-fon majoritaire qui lui avait échappé il y a 18 mois.
Une troisième victoire consécutive, c'est une première au Québec depuis Maurice Duplessis, en 1952. Mais c'est une bien courte majorité pour Jean Charest, qui a dû composer avec la performance surprenante du Parti québécois. M. Charest avait besoin de 63 sièges pour être majoritaire?; il en a obtenu 66. Cette récolte, bien maigre par rapport aux prédictions, est une véritable douche froide pour les stratèges libéraux, qui misaient sur plus de 70 circonscriptions. Le PLQ n'a recueilli que 42?% des suffrages, moins que ce que prédisaient les sondages. Le PQ a obtenu de bien meilleurs résultats que prévu avec 51 sièges et 35?% des voix, sept points de mieux qu'en 2007. Pour l'ADQ, qui doit se contenter de sept députés, c'est une descente en vrille, de 31 à 17?% des votes. Son chef Mario Dumont a d'ailleurs annoncé hier soir sa démission comme chef du parti qu'il a fondé.
Autre première, Québec solidaire fait finalement son entrée à l'Assemblée nationale. À sa deuxième tentative, Amir Khadir a défait le péquiste Daniel Turp dans Mercier, huit ans après la fondation du parti de gauche par Françoise David.
Le taux de participation à ces élections, extraordinairement faible, aura fait mentir bien des augures. En dépit d'un vote par anticipation record la semaine dernière, seulement 57,3?% des Québécois se sont rendus aux urnes hier, le taux le plus bas depuis 1927. Le taux de participation avait oscillé de 78 à 70?% au cours des trois dernières élections générales.
Selon Jean Charest, les Québécois «ont reconnu la nécessité d'avoir un gouvernement de stabilité» en confiant un mandat majoritaire au PLQ. Devant les siens, à Sherbrooke, il a soutenu hier soir que, face à la «tempête économique» mondiale, l'élection de son gouvernement «permet de dégager un consensus» sur sa priorité?: l'économie.
Sans surprise, l'Action démocratique, qui avait obtenu 41 sièges il y a 18 mois, s'est effondrée. Son score est insuffisant pour que le parti soit reconnu à l'Assemblée nationale. Ses 17?% sont plus faibles d'un point que son résultat aux élections de 2003.
Devant cette déconfiture, Mario Dumont a sur-le-champ annoncé qu'il quitterait sous peu son poste à la tête du parti qu'il a fondé il y a 14 ans. «Les Québécois ont tranché, nous acceptons ce verdict. Dans ce contexte, j'assume devant les Québécois et nos candidats défaits toute ma responsabilité et vous ne serez pas surpris de m'entendre vous dire que je ne serai pas à la tête de mon parti lors des prochaines élections générales au Québec», a déclaré M. Dumont devant ses partisans à Rivière-du-Loup.
Il promet de rester «au cours des prochaines semaines» afin que la transition se passe sans heurts. «Le temps est venu pour moi de tourner la page et de retrouver les miens. L'ADQ a été aujourd'hui et demain un moteur de changement dont le Québec a besoin.»
Le PQ «a retrouvé sa fougue»
Avec Pauline Marois à sa tête, le PQ revient en force à l'Assemblée nationale. Mme Marois devient chef de l'opposition après avoir assuré à son parti une récolte étonnante de 51 sièges, comparativement à 36 en 2007.
«Les résultats vont surprendre plusieurs personnes...» a ironisé Mme Marois, triomphante. Elle a remercié ses troupes, galvanisées par les résultats. «On va former l'opposition officielle la plus forte depuis la Révolution tranquille», a-t-elle lancé. Le Parti québécois «a retrouvé sa fougue», a-t-elle insisté, relevant la «courte majorité» de Jean Charest.
«Il y aura un parti souverainiste à l'Assemblée nationale tant et aussi longtemps que la souveraineté ne sera pas faite», a-t-elle déclaré. Elle a toutefois invité ses supporters à «la nécessaire patience». «Aujourd'hui, on a monté une marche. La prochaine fois sera la bonne. Et ensuite, tout sera possible?!»
Le PQ récupère l'essentiel de la vingtaine de circonscriptions qu'il avait cédées à l'ADQ dans le 450, dans Lanaudière et dans les Laurentides aux élections de 2007.
Adéquiste en 2007, la circonscription baromètre de Saint-Jean ne retrouve pas son titre?: elle sera péquiste. Lisette Lapointe, la femme de Jacques Parizeau, conserve Crémazie. Les vedettes Bernard Drainville, Pierre Curzi et Camil Bouchard sont réélues. Louise Beaudoin vient les rejoindre. François Rebello, élu dans La Prairie, fera aussi son entrée à l'Assemblée nationale.
La totalité des ministres du gouvernement Charest ont été réélus, y compris Claude Béchard dans Kamouraska, qui combat actuellement le cancer. Pierre Corbeil, ministre défait en 2007, était en voie d'être réélu dans Abitibi-Est.
En fin de soirée, les libéraux avaient récupéré 13 circonscriptions des mains de l'ADQ, dont Portneuf et Bellechasse, en périphérie de Québec. Le PQ, lui, a fait un gain de 21 sièges, aussi aux dépens du parti de Mario Dumont.
L'ADQ a été repoussée dans ses retranchements à Québec et dans Chaudière-Appalaches. Plusieurs défaites sont douloureuses, dont celles de Sébastien Proulx, le leader parlementaire, qui a terminé troisième à Trois-Rivières, et de Gilles Taillon, qui a mordu la poussière dans Chapleau.
Les deux adéquistes passés au PLQ, Pierre Michel Auger dans Champlain et André Riedl dans Iberville, ont mordu la poussière.
Denis Lessard /La Presse